Meurtre d’âme ou la création d’un personnage fictif



L’écrivain

Lettre d'aveu | Martine Estrade | Literary Garden

J’avoue, j’en ai rêvé, pas vous ?

Je voudrais faire de vous mon Personnage. Vous seriez mien ou mienne, selon mon désir. À vous je déroberais les mots, le rêve, les pleurs et le rire que vous auriez gardé par-delà le temps qui ne s’écoulerait plus. Dans votre vie je m’inscrirais irrémédiablement, dans la trame de vos pensées je m’imprimerais. Pendant que je ferais cela, rien d’autre que vous ne compterez pour moi. Rien d’autre que cette étrange pénétrance de vous en moi, de moi en vous, de l’écriture en train de s’écrire qui nous soumettrait dans l’aliénation réciproque.

Je vous écrirais mot à mot, pas à pas dans vos traces. Voleuse de votre moi je serais devenue. Par vous je vivrais ma vie et la vôtre, ma vie et celle que je vous ferais vivre. Vous seriez ma source, soumis à la démesure de mon désir amoureux et d’emprise. J’abuserais de vous infiniment dans l’écriture. Je vous profanerais, j’en jouirais charnellement.

Vous écrit, vous ne seriez plus rien, l’ombre du livre et de l’écriture sur vous. Le véritable meurtre est un meurtre d’âme. J’avoue, j’en ai rêvé, pas vous ?

À vous.

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