L’après-coup : la création déguisée ? - 2009



Compte Rendu d'Alain Zivi.

Textes en miroir | Martine Estrade | Literary Garden

Les conséquences de l’après-coup sur la créativité tant chez le patient que chez l’analyste étaient le sujet de cet atelier animé par Daniel Widlocher et Martine Estrade.

Martine Estrade rappelle que le traumatisme est un appel à la représentation. Mais la notion freudienne de l’après coup s’oppose à la recherche d’une vérité historique. L’après coup est non seulement opérateur comme le souligne Jacques André mais déjà créateur. Dans l’après-coup les significations masquées par le refoulement ou la projection se dévoilent dans un trajet métaphorique. Pour elle les traces sont déjà des constructions. Ainsi la créativité est essentielle aux processus psychiques et l’après-coup dans la séance est la mise en lumière de constructions par la reviviscence. Ceci ouvre la voie à une créativité qu’elle s’exprime ou non à travers des formes artistiques. L’analysant est l’auteur d’une fiction privée tandis que l’interprétation mutative de l’analyste est création et non élucidation d’un lien entre le passé et l’actuel. Dans la cure, le changement n’est pas d’ordre événementiel mais une transformation métaphorique. Mais l’accès à la métaphore n’est pas toujours possible d’emblée pour certains patients. L’analyste tente alors de favoriser ou d’induire ce processus en prêtant son imaginaire, par une hystérisation où la construction est implicite pour figurer l’irreprésentable. A l’inverse le fonctionnement métaphorique peut devenir défensif, comme ce peut-être le cas chez certains artistes, imposant à l’analyste de renoncer à les interpréter avant qu’un contact puisse s’établir en deçà de la parole.

Michel Graneck met en garde contre une banalisation de la notion de trauma. Reprenant l’étymologie, il insiste sur la coupure à l’œuvre qui va susciter un appel à représentation.

Il illustre son exposé par une vignette d’une femme ayant subi des traumatismes infantiles, de l’ordre de la maltraitance qui a une activité de styliste. Mais elle ne peut investir ses créations ni faire les démarches pour concrétiser ses succès. Telle Pénélope, elle détisse ce qu’elle crée. Ceci se rejoue dans la thérapie où la patiente disparaît obligeant l’analyste à une attitude active pour maintenir le cadre et « raccommoder » le processus. L’utilisation par l’analyste des termes techniques de la patiente dans un sens métaphorique permettent un accès au vécu affectif de la patiente. A l’inverse de Daniel Widlocher qui se méfie d’une séduction par la créativité de l’analysant, Michel Graneck pense qu’elle est inévitable. Il s’agit non seulement d’une compréhension du processus à l’œuvre dans la créativité mais aussi de se penser comme un tiers facilitateur lorsqu’elle est entravée.

Manuel Matos, reprenant les travaux de M Mancia, distingue les expériences traumatiques très précoces inscrites dans la mémoire implicite et dans un inconscient non refoulé de celles plus tardives, objets du refoulement et de la mémoire implicite qui peuvent donner lieu à un après-coup représentable. Pour avoir accès à ces contenus non symbolisés, qui s’expriment souvent sur un mode sensoriel chez le patient, l’analyste doit faire un travail créatif à partir de l’émergence de ses propres représentations.

Manuela Utrilla Robles s’intéresse au paradoxe de la construction. Cet acte créatif expose au risque de la suggestion et de la séduction. La créativité dans l’analyse utilise les mêmes mécanismes que le travail de rêve.

Dans toutes les interventions, la créativité de l’analyste apparaît d’autant plus nécessaire que les traumatismes sont précoces et la symbolisation en défaut.

Alain Zivi (SPP, Paris)