Capri : l’Infini de Tibère



Escale d’île saint Louis en île

Iles - Lieux de l'Art et de l'errance | Martine Estrade | Literary Garden

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Alanguie, ancrée dans les eaux à l’azur transparent, éblouie sous la brume bleutée du golfe de Naples, la belle, inaccessible, abrite les charmes de ses demeures sur la hauteurs de ses roches escarpées. A l’arrivée du port de Marina Grande, la côte n’est que falaise et à pic. Le funiculaire conduit à la ville haute où le décor de film de la piazzetta offre aux milliers de figurants en lunettes de soleil venus la conquérir, l’interprétation majestueuse de leurs scènes de vanités intimes.

S’éloignant par les passages aux villas enchaûlées de blanc , d’ocre et de rose et aux jardins de citronniers, les ruelles s’insinuent entre les murets de pierre , dépassent les propriétés secrètes nichées sur l’à pic , villa Eliza, villa di pittore, villa Falconetta, casa Moneta… Puis elles s’engagent dans la via Tiberio vers les ruines vestiges du rêve d’un empereur fou, Tibère.
Au cœur du soleil, pins parasols, cactées géants, lauriers roses, palmiers somptueux, lézards vert vif furtifs entre les giroflées blanches de la rocaille et les débris de fresques mosaïques romaines.

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Et le silence. Les îles, écrit Italo Calvino, ont un silence qu’on entend. Le silence de l’île tranche sur le silence de la mer environnante transpercé de cris d’oiseaux de mer et de soudains battements d’ailes. Goélands, nuées d’hirondelles se glissent dans le vide de la sculpture de pierre de l’arconaturale. Dans le golfe de Naples, Ulysse subit le vertige du chant des sirènes, et l’amour s’aventure dans un monde au delà de la parole.

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Sur ce rocher escarpé de l’île de Capri, le monarque inspiré n’érigea pas moins de sept villes résidences. Dans le roc de la grotte azur plongeant dans la mer, il alla même jusqu’à creuser une chambre nuptiale dévolue à son insatiable quête de désir et d’amour.
Depuis les quartiers impériaux de la plus belle forteresse, la Villa Jovis, nichée sur la pointe rocheuse, Tibère surveillait ses six autres résidences insulaires et, muni de signaux de fumée et de jeux de miroirs, prétendait communiquer avec la côte jusqu’à Rome.

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Devant les ruines de la villa, un à-pic vertigineux porte le nom funeste de « saut de Tibère ». Les légendes de l’île de Capri prétendent qu’aujourd’hui encore les pêcheurs de l’île entendent près de la falaise la complainte douloureuse des jeunes amants de Tibère que l’empereur, épris d’adolescents, aurait « suicidés » après les avoir « aimés ».
D’autres artistes ou écrivains lui succèderont sur la terre de Capri, et la villa rose sur la mer de l’écrivain Malaparte, garde le souvenir immortel des scènes du film « le Mépris » de Godard.
Si l’île Saint Louis rend paisiblement amoureux le ciel de Paris, la sensualité menaçante de l’empereur Tibère à Capri figure, image saisissante, la verticale du désir, géométrie de sa violence irréversible.
Capri, l’infini.

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