L’île San Lazzaro degli Armeni de la lagune de Venise, fabuleuse bibliothèque de la culture arménienne



Iles - Lieux de l'Art et de l'errance | Martine Estrade | Literary Garden
Iles - Lieux de l'Art et de l'errance | Martine Estrade | Literary Garden

Entourée de jardins où fleurissent les roses dont les moines font une confiture goûteuse, façades ocres et rosées dissimulant cloitre, églises, jardin et terres cultivées, ancienne léproserie du XII è siècle en ruines cédée gracieusement par la République de Venise, en 1717, à l’abbé Mekhitar fuyant le Péloponnèse occupé par les Ottomans, le monastero Mekhitarista de l’île San Lazzaro degli Armeni deviendra moins d’un siècle plus tard un lieu rayonnant de la culture arménienne mondiale.

Mekhitar, contrairement à la plupart des arméniens, autocéphales, qui ne reconnaissent que leur patriarche, choisit de reconnaître l’autorité du pape Benito XVI. L’île bénéficia de la protection de Napoléon et fut jusqu’à ce jour préservée. Dans le monastère s’étudient et se traduisent en de nombreuses langues les grands textes de la tradition arménienne. Lord Byron, amoureux de Venise, fut un familier de ce lieu, une salle porte son nom.

Iles - Lieux de l'Art et de l'errance | Martine Estrade | Literary Garden

L’activité de recherche se poursuit. Quelques moines, linguistes, multilingues et savants font rayonner la culture arménienne à Venise et informent sur le christianisme arménien soulignant que l’Arménie fut le premier état à reconnaître le christianisme en 301 époque ou dioclétien persécutait encore les catholiques romains.Dans une pièce ronde comme un sanctuaire sont abrités plus de 150 000 ouvrages dont une collection unique de manuscrits enluminés en langue arménienne.Le plus ancien remonte au VIII è siècle. Des donateurs arméniens ont offert des tableaux et des objets insolites, telle une momie egyptienne remontant au VII è siècle, reçue en 1882, et l’une des mieux conservées au monde. L’église s’orne de magnifiques mosaiques de Murano de 1753. D’époque romane, elle fut maintes fois remaniée au fil des siècles des fenêtres, partiellement enfouies ayant été murées pour la préserver de la montée des eaux.Non loin de la porte du monastère, une croix arménienne ou khatchar, gravée sur une stèle témoigne de l’ancienneté et de la singularité du christianisme arménien.

Qu’une île maudite, un lazaret isolé destinée à éloigner les lépreux que personne ne revendiquait et soumis à la montée des eaux et aux inondations ait pu connaître la destinée d’un centre mondial de conservation et de transmission de sa culture n’est pas sans susciter l’étonnement et l’admiration pour la force spirituelle et vitale de la communauté arménienne. Que l’insularité permette la conservation dans des conditions idéales d’un trésor de manuscrits et d’objets culturels hétéroclites, patrimoine immatériel d’un peuple en exil, attire à nouveau l’attention sur le rôle important des îles, minuscules territoires cernés certes, mais aussi protégés par les eaux dans le maintien et le renouveau de l'héritage culturel mondial.

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