Chants de pierre de la Médina de Fès



Ecrit pendant les rencontres internationales de la musique sacrée au hasard des détails décoratifs de la médina de Fès et à l’écoute des échos de la musique sacrée et de bruits quotidiens.

Villes - Lieux de l'Art et de l'errance | Martine Estrade | Literary Garden

Villes - Lieux de l'Art et de l'errance | Martine Estrade | Literary Garden

« Ce qui est déposé dans l’invisible des conscience transparait dans le témoignage des apparences ( Ibn ata allah) »

7h le matin, terrasse du riad fès, le soleil est déjà haut, lunettes de soleil obligatoires. Ombre et lumière sur les toits de la Médina. Chants d’oiseaux, vol lent des hirondelles en spirale et volutes. Cri lointain des coqs.

Un chat noir blanc et maigre marche lentement, comme ivre, sur l’arête fine d’un mur de chaux décrépi.

La nuit, les ruelles vides, envahies de chats maigres qui fouillent les poubelles. Chats de la médina : blanc, roux, noirs, très maigres, jeunes.

Le jour, les ânes. Les ânes de la médina, décharnés et multicolores, couverts de couvertures portant de lourdes charges.

Le Riad, Fès, en pleine Médina, oasis de zellige, exubérance de stuc sculpté, sur les murs le tedelock écorce d’enduit blanc ombreuse et lumineuse, appliquée au galet de rivière, parcourus d’éclats de brillance et de matité, douce comme la peau d’un fruit . La profondeur fait surface, prête à s’approfondir encore pour relancer le regard.

Espaces d’intimité, coussins colorés, bois sculptés, lustres, lustres, lustres… l’ornemental dans tous ses états.

Salle centrale, haute comme une cathédrale, espace sous le ciel de la verrière. Canapés rouges, théières d’argent, odeur de la menthe fraîche, cliquetis des couverts d’argents dans les sucriers, transparence ambrée.

Sur une coupelle, une pêche, une corne de gazelle fourrée d’amandes parfumées, des abricots

La douceur.


Musique d’un luthiste, d’une flûte, tambour dans la ville, derviches, cymbales.

couleurs : bleu des faïences murales, blanche des stucs, rouge des coussins, vert sur les faïences des colonnes, or des luminaire de cuivres

odeur de la menthe, de l’oranger, de la rose, du jasmin, du thé,

cacophonie berçante des oiseaux.

ancrage des perceptions, forme pour la folie des sens.

Le luxe : confinement et ascèse, claustration, esthétique, horizon. La terrasse du riad fes, fermée d’une grille de fer forgé domine toute la médina.


Le linge, étendu sur les terrasses. Toits plats, à Fès il ne pleut presque pas. Couleurs vives, denses : rouge, bleu carmin, jaune, beige.

Transe méandreuse des oripeaux colorés sur le fil, langoureux sous le vent, tantôt lente tantôt rapide. Tissus impérissables : vêtements animés de Dieu. Une brise et c’est l’envol. Tapis de prière en perpétuel mouvement élevés à la verticalité du ciel.

Cri des teintes sur le fond beige des kasbahs.

Ça et là quelques tuiles vertes et rondes, vernissées, luxe d’une demeure misérable.

Pieux de fer rouillés sur les toits. Un oiseau se pose.

Balançoire.

Tourterelles et étourneaux ?

Vol en courbe et spirales

Cour de palmiers, fontaines, oliviers.

Carrelage d’ocre et de vert.

Bruit de la faïence sur les tables aux nappes blanches, dans la palmeraie.


De la terrasse du riad fes : le silence, le vent, le ciel

L’indigo du ciel, rappelle celui de l’eau, de l’infini.

Autour dans le labyrinthe de la vieille ville, litanies des artisans : martèlement des burins des dinandiers, le métal tinte rapidement, percussions annonçant les porteurs d’eau vendeurs de verre d’eau, burin léger du graveur de marbre , cliquetis doux et rapide sur les tablettes. Bruit mat des pieds nus des tanneurs foulant les peaux à même le sol des cuves, odeur pestilentielle, le soufi percute la peau de son tambour, son corps vibre avec elle, son strident de la flûte, litanique. Le ferronnier soude en pleine ruelle marchande dans des arcs éblouissants. Roues des charrettes à bois sur le pavé dans les pentes de la ville, rapides quand elles sont vides, lentes quand emplies d’oranges ou de pastèques.

Air de danses orientales dans un café où ne se tiennent assis que des hommes, disques de musique arabe aux étals ambulants. Bruit des machines à coudre frénétiques alignées sur la coursive du marché aux vêtements. Discordance des sons, harmonie subtile, au delà..

Cri assourdissants des oiseaux dans le jardin du musée dar batha nichés dans les arbres immenses aux multiples essences.


Zones d’ombre et de lumière.

Murs enchaulés beige blanc ou rose. Une médina comme le sable d’un désert.

Un énorme cyprès soulève les demeures mitoyennes.


Le luxe : éphémère, sensations, abîme, solitude, claustration, esthétique, horizon.

Le contraire du divertissement. l’intériorité

Lieu de transparence, mais enclos. Reposoir à l’usage de celui qui chemine.

Le luxe impose le confinement et l’ascèse. Lourdes portes dans la médina, heurtoirs de métal doré travaillés. « Toute chose doit être enfermée à clef que ça soit du zinc ou de l’or. »


Entre ombre et lumière, l’indicible

Suspension du geste et de la parole, le silence.


La médina, derrière de hauts remparts où nichent les hirondelles. Ville mémoire, cité impériale, belle andalouse, lieu béni des dieux, fascinant, mystérieux.

Andalous de Cordoue, juifs , musulmans , chrétiens islamisés ont enrichi la ville de leur art, sédimenté depuis le 8è siècle. On trouve même à Fès des fresques palladiennes.

La nuit, les ruelles vides, envahies de chats maigres qui fouillent les poubelles. Quelques hommes, pressés, pas de femmes.

Vastes demeures mérinides, luxueuses constructions de marbre et de faïences précieuses, les célèbres zelliges, art hispano mauresque à l’apogée au 14è siècle, mosquées, fondouks, medersas, universités accueillent des le moyen âge lettrés et théologiens.

Entre elles, labyrinthe de maison enchaulées couleur sable a la géométrie carrée minimaliste, artisans par milliers, paysans du rif attirés par la ville magique, Fès s’engorge, déborde et se meurt.

Mosquées : volume libre inouï, notion d’espace, infini. Décoration minérale, quelques tapis. Fontaines, ablutions, chants, bougies.


Cordes à linges habillées de multiples oripeaux, blancs, sable ou aux couleurs crues et intenses. Air sec, ciel bleu, vent, ici il ne pleut pas. Relief doux de l’ombre et de la lumière sur les kasbah couleur sable. Silence et chant des oiseaux à l’aurore, assourdi par les rafales de vent. Le ciel immense.

La pyramide verte du mausolée de moulay idriss et son toit de tuiles vernissées vertes servent de point de repère.


Savon de Marseille brun pâteux, au poids 5 dirham le kilos, granulés de rhassoul et huile d’argan à la fleur d’oranger. Parfums


A Fès, on sort entre voisins par les terrasses, on gagne ainsi un quartier ou l’autre, de terrasses en terrasses. Les femmes prennent le thé, elles sortent peu.


4OO vocables en arabe désignent l’amour. Aussi les musulmans prétendent qu’ils ont le cœur tendre et que les non musulmans sont cruels et ont le cœur dur.

« L’amoureux de la beauté, ses blessures se cicatrisent toujours » disent les aroubis. Ces chants fassi déclamés dans les jardins lors de parties de plaisir organisées par les familles dans les jardins clos autour de la ville, souvent au printemps, à l’ombre fraîche des orangers. Montées sur des balançoires elles s’adonnaient à leurs ébats, entonnant un aroubi inventé ou issu d’un répertoire de tradition orale. L’aimé est désigné au masculin, consacré exclusivement au sentiment amoureux, l’aroubi n’est jamais monotone, reflet de l’âme musulmane ardente, rebelle aux affres de la séparation et du dédain, élan pur et délicat proche de l’inspiration mystique. Philosophique aussi,

Le festival

Vingt rangs vides obligatoires derrière les officiels. La force du pouvoir. Partenaires financiers : accor, lafarge, caisse d’épargne, la gazelle d’or, maroc télécom

Les stands buffets : soupe de carottes au cumin et escargots, thé à la menthe et corne de gazelle, crêpe à la viande.

Le consul coach l’ambassadeur à l’unesco et le directeur du british muséum, le lien diplomatique, si particulier.

Splendeur des volumes du stuc gravé.

Dans le riad fes, fontaine de zellige, coussins rouges, chandeliers et bougies, salles intimes ouvrant sur le patio, anciennes chambres des épouses.

Dans la médina, luxueuses demeures de marbre et de zellige. Entre elles labyrinthe de maisons couleur sable à la géométrie carrée minimaliste.

Artisans par milliers. Fès vit.

Envahie de toutes part d’artisans par milliers, paysans du rif attirés par la ville magique, Fès s’engorge, déborde, se meurt.

Vol en courbe large des hirondelles, piqué d’une tourterelle vers le bassin


Etre fassi, se voit, s’entend, accent marqué, suffisance, il y a Fès et le reste du maroc. Fès civilisation, au delà, la barbarie.

Soirées soufis : pour vivre un état jusqu’à la transe.

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Riad, associé en arabe au paradis.

Riad Fès coussin point de croix sur canapés rouges, stucs en rosace étoiles, coquillages, soleil, finesse de la découpe.

Vitraux colorés sur les fenêtres hautes bleu indigo, turquoise, jaune orange.

La lumière les traverse à l’aurore et projette toutes les nuances en arc en ciel sur les stucs.


Tout autour de la ville, sur la colline, les tombes blanches éparses entourent la médine.

Non pas la gloire de l’invasion mais la gloire de l’accueil.

Non pas la joie de vaincre mais la joie de vivre.

Non pas la sauvagerie de la violence mais la civilité d’une ruse qui relève de la ruse de dieu.

Paix à la science de la vision de ce temple adonique qui œuvre non pour posséder mais pour être dans le rythme de la métamorphose.

Rite de ce qui ne peut s’institutionnaliser.

Rite de ce qui se dit et se contredit.

Rite des poumons et de la sensation.

Adonis, poète syrien.

In le temps, les villes, mercure de France.

Le regard inassouvi poursuit son parcours initiatique jusqu’à ce que la légèreté de la soie, l’indigo salvateur et les empreintes ornementales semblant se poursuivre à l’infini le plongent dans des profondeurs abyssales jusqu’à toucher le fond pour remonter vers le bleu céleste.

Bleu infini annonçant la distance dans la proximité encore à parcourir dans l’étreinte jusqu’à une nouvelle évanescence.

Ainsi est-il devenu aisé pour Fès d’organiser ses plaisirs et de mobiliser les armées de la passion dans des anneaux gravurés, dans des épigraphes soliloques.


Sur les carreaux de zelliges, tout le nuancier du ciel et de la mer.

Lieu de transparence mais enclos.

Reposoir à l’usage du liturge et de celui qui, comme moi, chemine (G boyer).


La parole des artistes, quand elle s’attache à l’observation de l’au delà devient creuset, terre d’accueil pour les artistes, eux mêmes passeurs entre le visible et l’invisible. Nombreux sont les artistes qui puisent leur inspiration dans les textes sacrés la sagesse soufie ou la méditation extrême orientale.

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