Le goût du rouge : l’écriture



Voyage | Martine Estrade | Literary Garden

Si je devais parler de mon écriture, probablement serais-je amenée à évoquer le goût du rouge.

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Certainement ! diraient les détracteurs , ceux qui n’aiment pas que de la violence ou de la sensualité jaillissent les métaphores et les images.

Pourtant, de ce rouge, il y aurait autant de nuances, plus peut être, que de teintes de l’arc en ciel. Comme lui, il s’inscrirait entre pluie et soleil, entre clarté et obscurité.

Du rouge renouveau des papiers porte-bonheur du nouvel an chinois au rouge renaissance de la porte cochère sur le quai de l’île Saint Louis, de l’Orient à l’Occident, le rouge, traduit le jaillissement d’une naissance annoncée.

Du rouge rosé de l’eau colorée de la manifestation de holi en Thaïlande où l’on arrose les passants du liquide carminé en signe de joie au rouge vermillon du dragon chinois, le rouge se conjugue avec la fête, la spiritualité et le jeu.

Du rouge coquelicot de la fleur mutine au sein d’un champ de blé mûr au rouge de la pivoine sur une estampe à l’encre de chine au rouge le rouge enflamme de gaieté la poésie champêtre paisible d’inertie.

Du rouge bourgogne du verre de vin onctueux pris avec un ami à un bistrot un soir au rouge appétissant d’un sorbet à la cerise sur une terrasse en été, le rouge flatte la gastronomie, l’échange intime et la palette des sens.

Du rouge de la grenadine à la table du goûter d’enfant au rouge cochenille du tapis persan dans la maison de grand mère, le rouge traverse les âges et les générations.

Du rouge cardinal de l’écriture académique au rouge impérial du commentaire ou du journalisme officiel le rouge se fait soumission et déférence à la norme.

Du rouge du velours des lourds rideaux de la salle de théâtre au rouge des lampions de la fête asiatique, le rouge s’exhibe et se donne en spectacle.

Du rouge des lampes de la sexualité commerciale et transgressive au rouge de l’interdit des panneaux de la voie publique le rouge décline les nuances de l’interdit et du rapport à la loi.

De l’amarante de la correspondance de l’amante, du rouge venise des amoureux en escapade jusqu’au rouge Pompéi des fresques de la villa des Mystères, -vestige écarlate intact en la demeure parmi les habitants de la cité vésuvienne statufiés dans leur débauche des sens -, le rouge inscrit l’initiation et la cérémonie amoureuse.

Du rouge carmin des joues troublées par l’émotion du désir au rouge rubis de la bague offerte à la courtisane pour qui l’on s’est enflammé, le rouge traduit l’incendie de l’amour.

Du rouge des feuilles plumes du Nandina, le bambou sacré des jardins chinois dont l’habit rutile en hiver pour devenir vert au printemps au rouge du regard daltonien qui flirte avec le vert le rouge, ludique, confond le spectateur dans un jeu de miroir et se dérobe au rouge.

Du rouge qui n’est plus rouge, du rouge, comme l’écriture, qui, sans être la vie en déploie toutes les couleurs.

Rouge ! encore…

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